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Les études de sage-femme au Royaume-Uni

Rencontre avec Roberta, étudiante à University of East Anglia

En 2017, Roberta a été admise en Licence de sage-femme (Midwifery) à l’université d’East Anglia en Angleterre. L’admission aux programmes de ce type au Royaume-Uni est particulière et très rude. Issue d’une formation littéraire, la tâche de Roberta n’était pas facile ! Elle vous fait part de son expérience.

Pouvez vous nous décrire votre parcours jusqu’ici ?

J’ai passé un bac littéraire en 2004 puis obtenu en 2009 un Master Européen en Traduction Spécialisée (FR, EN, IT). J’ai travaillé quelques années en tant que traductrice freelance mais je me suis vite rendue compte que je n’étais pas faite pour le côté freelance. J’ai ensuite travaillé plus de 5 ans dans la gestion et coordination de service client à l’international, pour plusieurs maisons de luxe, avec notamment une expérience d’un an à Londres. Mais là aussi, quelque chose me déplaisait dans mon quotidien. J’avais envie de me sentir plus utile, de faire un « vrai » métier.

Qu’est-ce qui vous a décidé à changer de voie et à étudier dans le domaine médical ?

Le fait de travailler en service client, et qui plus est dans le domaine du luxe, m’a amenée à me poser de nombreuses questions. Est-ce que je voulais vraiment continuer dans cette voie toute ma vie? Est-ce que cette branche allait me permettre de me sentir vraiment épanouie dans ma vie professionnelle?

Très vite, j’ai compris que non, et que j’avais envie de ressentir un plus grand sentiment d’utilité dans mon quotidien. Je ne me voyais pas passer ma vie derrière un bureau, et j’avais toujours été fascinée par le métier de sage-femme sans jamais avoir le courage de me lancer. J’ai pu négocier une rupture de contrat conventionnelle avec mon employeur de l’époque, et j’ai décidé de me laisser deux ans pour vraiment voir jusqu’où j’allais arriver, et s’il serait raisonnable de continuer après ça.

J’ai commencé par faire une année de remise à niveau scientifique, en m’inscrivant au DU de préparation à l’entrée dans les licences scientifiques de l’université Paris VII Diderot. C’est un condensé de bac scientifique en un an, et cela m’a permis de me remettre dans le bain des études et d’acquérir des bases solides. Après cela, j’ai tenté la première année de médecine en France mais j’ai très vite compris que c’était hors de portée pour moi. Du coup, vu que j’ai la chance de bien maîtriser l’anglais, je me suis intéressée aux études de sage-femme au Royaume-Uni et j’ai adoré l’approche qu’ils ont du métier, beaucoup plus axée sur la physiologie et centrée sur la femme, et plus courte  (cursus de 3 ans, contre minimum 5 en France). Donc j’ai décidé de tenter le coup !

Le campus de l’université d’East Anglia, au Royaume-Uni

Comment avez vous préparé votre entretien d’admission à UEA ?

J’étais un peu larguée au départ, car je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. J’ai lu ENORMEMENT de choses sur internet, en commençant par éplucher le site de UEA, mais aussi les sites comme thestudentroom.co.uk, applytouni.com… Il y a beaucoup d’articles dédiés à ce sujet qui m’ont été très utiles. J’ai cherché des questions-type sur internet et préparé mes réponses à l’avance, j’ai lu des témoignages d’étudiants ayant passé ce type d’entretiens afin de savoir plus ou moins à quoi m’attendre, j’ai cherché des annales de tests de calcul et de langue pour m’entraîner…

J’ai également mené de nombreuses recherches afin de m’informer sur l’actualité de la profession de sage-femme au Royaume-Uni (et pour les sages-femmes, il s’en passe, des choses, en ce moment!), j’ai lu tout ce que je pouvais sur la Constitution du NHS (très important), les principes et fonctionnement du Nursing & Midwifery Council, ainsi que les 6Cs – valeurs fondamentales du métier de sage-femme au Royaume-Uni (EXTREMEMENT important).

Cependant, la ressource qui m’a le plus aidée dans ma préparation a sans doute été le site Midwifediaries.com, créé par Ellie Durant (sage-femme de profession). Il regorge de ressources et de conseils pratiques, aussi bien pour la rédaction du personal statement que pour la préparation aux entretiens (questions types, mock interview, etc…). J’ai aussi pu feuilleter son ouvrage intitulé « Becoming a Student midwife » qui est extrêmement bien fait, et que je recommande vivement.

J’ai également intégré un groupe privé sur Facebook intitulé The Secret Community of Midwifes in the Making, qui est une communauté qui regroupe à la fois des sages-femmes de profession, des étudiantes sage-femme et des futures étudiantes, et où j’ai pu poser de nombreuses questions pour m’aider à mieux appréhender cet entretien.

Enfin, vu que j’avais fait toute ma préparation seule et sans savoir vraiment si ce que j’avais fait était cohérent, suffisant ou non, j’ai eu la chance de pouvoir faire une séance de « coaching » via Skype avec Ellie Durant, la fondatrice du site Midwifediaries.com, la veille de mon entretien. Ça m’a extrêmement aidée car elle m’a vraiment mise dans le contexte de « multiple mini interviews », et m’a posé beaucoup de questions-scénario, élément qui m’inquiétait beaucoup car parfois les questions peuvent sembler complètement hors de propos et sans lien avec le métier de sage-femme.

Comment cet entretien s’est-il déroulé ? Pouvez vous nous le décrire ?

J’étais convoquée à 9h, nous étions en tout 10 candidates à passer les entretiens ce matin-là.

On nous a emmenées dans une salle de cours où nous avons pu laisser nos affaires, puis on nous a fait une présentation du cursus de sage-femme, de son contenu, de son programme, de ses intervenants, etc… Mais aussi de l’université en général.

Après quoi, nous avons été partagées en 3 groupes. Le premier est parti passer les MMI, tandis que les deux autres (dont moi) ont passé les tests de langue et de calcul. Très honnêtement, cette partie m’a semblé extrêmement simple et basique. Pour la partie « langue », il s’agit purement de compréhension de texte et même en étant la seule étrangère ça ne m’a posé aucun problème. La partie calcul était également assez enfantine : additions, soustractions, multiplications, conversions de grammes en milligrammes… Bref, ce n’est vraiment pas la mer à boire ! D’autant plus qu’à UEA, la réussite à ces tests ne conditionne pas l’acceptation de la candidature au final (dans d’autres universités, oui).

Une fois ces tests finis, on nous a ramenées dans la salle initiale pour contrôler les différents documents que nous devions apporter (originaux des diplômes obtenus ainsi que les relevés de notes), puis ce fut au tour de mon groupe de 4 de passer les entretiens. Dans la salle où se déroulaient les MMIs, 4 chaises étaient installées au centre, chacune faisant face à un coin de la pièce, où étaient installées des « stations » avec un intervenant. Sur chaque chaise se trouvait une feuille où était inscrite la question à laquelle il allait falloir répondre à la station correspondante, pendant environ 5 à 6 minutes.

Nous nous sommes installées chacune sur une chaise, et nous avons eu une minute pour préparer nos réponses, suite à quoi les entretiens ont commencé.

La première question pour moi était assez générale : « Parlez-moi de votre parcours. Pourquoi souhaitez-vous devenir sage-femme ? ». Une fois le temps écoulé, les organisateurs nous ont demandé de retourner nous asseoir au centre, en nous décalant d’une chaise pour changer de station, et ainsi de suite jusqu’à la fin de l’entretien. Les trois autres questions auxquelles j’ai du répondre ont été « Quels sont les difficultés que vous devrez surmonter au cours de vos études de sage-femme, et comment comptez-vous gérer l’aspect émotionnel de ce type de cursus/métier », « Quel est le rôle d’une sage-femme ? Quelles sont ses différentes tâches au quotidien ? » et enfin une question scénario : « Vous faites la queue pour acheter un billet de train. La personne devant vous au guichet a du mal à se faire comprendre par le vendeur, et celui-ci s’énerve. Que faites-vous ? » et l’intervenante m’a également demandé quelles étaient selon moi les qualités requises pour être sage-femme.

Une fois les entretiens terminés, nous sommes retournées dans la salle initiale, nous avons rempli un « questionnaire de satisfaction », et nous avons été autorisées à partir. En tout, cela a duré un peu moins de 3 heures.

Avez vous du justifier les raisons de votre changement « radical » d’orientation ? Quels arguments leur avez vous donné ?

Cela ne m’a pas été demandé explicitement, mais dans chacune de mes réponses j’ai en effet eu l’occasion d’argumenter mon choix de reconversion, car j’ai un parcours très atypique.

Le fait d’avoir travaillé en service client a finalement été un atout, car au fond, mon travail consistait à aider des personnes et nécessitait beaucoup de calme, de sang-froid mais aussi de l’empathie et une excellente communication – qualités qui sont nécessaires pour une sage-femme. Du coup, le fait de dire que je disposais déjà de ces atouts, mais que je souhaitais les mettre au service d’une mission qui fait sens pour moi a été plutôt apprécié.

Par ailleurs, moi qui redoutais d’être parmi les candidates les plus âgées, j’ai finalement pu tourner cela à mon avantage : j’ai dit que j’avais pris le risque de quitter le confort d’une vie professionnelle stable pour  tout reprendre à zéro et me lancer dans un projet ardu, et qu’ainsi, mon projet était mûrement réfléchi et ma motivation très forte.

J’ai aussi vraiment joué sur ma vision du métier de sage-femme et surtout, argumenté autour du fait que l’approche du métier au Royaume-Uni n’est pas la même qu’en France (ayant eu la chance de faire plusieurs stages en maternité en France, cela m’a beaucoup aidée). Je pense que cela a certainement joué en ma faveur, car ça m’a permis de prouver que j’avais une réelle connaissance du métier et du rôle de la sage-femme, et de justifier pourquoi je candidatais au Royaume-Uni plutôt qu’en France.

Par ailleurs, je suis bénévole depuis plus de 3 ans dans une association d’aide aux personnes en deuil. Cela a clairement été un gros plus dans ma candidature, car les britanniques sont friands de ce genre d’expérience pour ce type de cursus et cela permet de prouver que l’on s’intéresse aux autres, que l’on a de l’empathie mais aussi les épaules solides.

L’entretien correspondait-il à vos attentes ou alors avez vous été surprise par certaines choses ?

Globalement, j’étais extrêmement stressée en arrivant car je ne savais pas si ma préparation était pertinente comparée aux autres étudiants britanniques, mais au fond j’ai été plutôt agréablement surprise. Au final il n’y a rien qui m’ait vraiment prise de court, donc j’imagine que je ne me suis pas trop mal débrouillée pour ce qui est de la préparation. Ce qui m’a surtout rassurée, c’est de n’avoir eu qu’une seule véritable « question-scénario », car il est tout simplement impossible de se préparer à ça. Donc ce n’était pas plus mal !

Quel a été votre ressenti en sortant ? Vous ont-ils fait un retour ?

En sortant, j’étais plutôt satisfaite de mon entretien. J’avais vraiment réussi à avoir des conversations « normales » avec chacun des intervenants, et à chaque fois, les organisateurs devaient venir nous interrompre à la fin du temps imparti car nous étions trop absorbés pas notre dialogue. Ce qui est plutôt bon signe…

Je n’ai pas eu de retour à proprement parler, cependant les organisateurs nous avaient annoncé un délai de 6 semaines pour une réponse définitive, et j’ai reçu mon offre… Pile une semaine plus tard! Alors que la période des entretiens n’était pas encore terminée et qu’ils continuaient à recevoir des candidats… Donc j’imagine que j’ai du obtenir un score plutôt bon !

Pour maximiser ses chances d’être admis dans un cursus de sage femme en Angleterre, que conseilleriez vous à un étudiant français ?

Déjà, avoir des bases solides dans les matières scientifiques et de bons résultats est très important. Ils ne vous convoqueront même pas aux entretiens si vos notes en maths, physique-chimie et biologie sont en dessous de 13 (en tout cas pour UEA). La mention est certainement un plus.

Le personal statement est également capital : il doit réussir à faire transparaître votre bonne compréhension du métier de sage-femme, tout en expliquant pourquoi il vous correspond.

Mais surtout, de tout ce que j’ai pu lire et d’après mon expérience personnelle, il est clair aussi que des expériences de bénévolat sont toujours extrêmement appréciées. Beaucoup d’étudiantes britanniques avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger m’ont dit qu’elles avaient œuvré dans des plannings familiaux, des hôpitaux, des cliniques, etc…

Je pense que cela est difficile en France car ce sont des environnements très cloisonnés où l’on peut rarement être bénévole, mais pourquoi ne pas se rapprocher d’associations d’aide aux malades, aux personnes âgées, aux handicapés… Ou encore des groupes de parole pour personnes en difficulté (deuil, problèmes psychologiques, addictions, etc…), des groupes d’allaitement (d’ailleurs ils sont hyper pro-allaitement !).

Pour ce qui est des entretiens à proprement parler, soyez souriants, avenants et sûrs de vous. Si vous tombez sur des questions scénario qui vous semblent complètement hors-sujet par rapport aux études de sage-femme, souvenez-vous qu’il cherchent simplement à voir comment vous réagissez dans une situation donnée. Essayez d’analyser ces 3 points clé dans chaque question :

– Qui est la personne vulnérable dans cette situation ?

– Quelle est votre responsabilité professionnelle dans cette situation ?

– Comment résoudre le problème de façon concrète ?

A partir de là, vous aurez une base de réponse solide et pourrez argumenter autour de vos compétences spécifiques. Bonne chance !!!

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